Le «nouveau Grand Paris», lancé mercredi par Jean-Marc Ayrault, s'inscrit dans la lignée des vastes travaux d'infrastructures de l'agglomération parisienne. Du baron Haussmann au RER, retour sur trois étapes clés, avec l'éclairage de l'historien Michel Margairaz (1). Décrivant une histoire «par secousses», il revient sur ces «longues périodes où l'on accumule un retard considérable, et ces moments de décision avec une augmentation spectaculaire de l'infrastructure de transports».
Sous Haussmann, Paris s'agrandit
Avenue de l'Opéra, soleil, matinée d'hiver (Camille Pissarro).
Avec ses rues étroites, encombrées et parfois insalubres, le Paris du milieu du XIXe siècle n'est pas facile à vivre. L'empereur Napoléon III s'en inquiète au point de confier, en 1853, une mission ambitieuse au préfet de la Seine, Eugène Haussmann : transformer Paris selon les normes les plus avancées de l'urbanisme. Le chantier, immense, se prolongera jusqu'au début des années 1870. Haussmann multiplie les percées dans le bâti parisien pour tracer de longues et larges artères, ainsi que des grandes places. De nouveaux monuments surgissent, comme l'Opéra ou la gare de Lyon.
Moins spectaculaires, mais au moins aussi important, l'acheminement et l'évacuation de l'eau sont perfectionnés, et des espaces verts font leur apparition dans la ville. Le tout répond aux préoccupation hygiénistes de l'époque - peut-être aussi à un souci sécuritaire, une grande avenue étant plus simple à contrôler qu'une multitude de petites ruelles. Les critiques de Haussmann lui reprocheront aussi d'avoir, par ses travaux, chassé les classes populaires du centre vers la périphérie : un débat toujours actuel.
Le point de vue de Michel Margairaz : «Paris s'agrandit, notamment vers l'ouest. Après l'annexion de plusieurs communes environnantes en 1860, la surface de la capitale est quasiment doublée. C'est aussi à cette date que les vingt arrondissements sont arrêtés. A l'époque, l'idée est concurrencer Londres. La France est alors la deuxième puissance mondiale, derrière le Royaume-Uni.
Il y a aussi un souci de mobilité. C'est à cette fin qu'est créée en 1855 la compagnie générale des omnibus, une entreprise de voitures tirées par des chevaux. La ville de Paris lui octroie une concession, mais exige en retour un strict cahier des charges : nombre de stations minimal, tracés à respecter, etc... La compagnie générale des omnibus est en situation de monopole, en raison de l'expérience malheureuse menée quelques années auparavant : mises en concurrence, les compagnies avaient déserté les zones les moins denses pour se concentrer sur le centre de Paris, plus rentable.»
Le métro, discriminatoire pour la banlieue
Photo prise en 1900 dans le métro parisien (AFP).
Le 19 juillet 1900, la station Porte Maillot accueille les premiers voyageurs de l'histoire du métro parisien. La capitale entre dans l'ère du train urbain, avec un peu de retard sur Londres et Budapest. Et non sans un long débat sur les mérites comparés des lignes aériennes (mais quid des belles perspectives parisiennes ?) et souterraines (qui font craindre pour la santé et la sécurité des voyageurs). Les lignes vont se multiplier tout au long du XXème siècle. Dernière en date, la 14, entièrement automatique, est inaugurée en 1988.
Prouesse technique, le métro a révolutionné la vie des parisiens, rendant possible de traverser la capitale en Il faut cependant attendre 1934 pour voir l'ouverture d'une première station en banlieue, à Boulogne-Billancourt. Jusqu'à aujourd'hui, le réseau reste centré sur Paris. Il faudra attendre 2020 environ pour l'ouverture de la première ligne banlieue-banlieue.
Le point de vue de Michel Margairaz : «Après les aménagements haussmanniens , le transport est cette fois-ci au coeur de la stratégie. Le métro vise à assurer une certaine mixité sociale, en permettant aux Parisiens de circuler facilement dans tous les arrondissements. Les Républicains, au pouvoir à l'époque, confient la réalisation du métro à une entreprise privée, la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris. Le cahier des charges est exigeant : il faut construire environ 300 stations en une dizaine d'années ; la tarification est unique, et abordable.
Le métro est très discriminatoire pour la banlieue. La ville de Paris freine d'ailleurs des quatre fers quand on lui demande d'étendre le réseau au-delà de ses murs. Il a fallu une très grande bataille au conseil général de la Seine pour que quelques communes, comme Ivry ou Boulogne, obtiennent des prolongements. A l'époque, c'est l'autobus qui est chargé de compléter le réseau et d'aller vers la banlieue.»
Le RER, vite surchargé
Photo prise en avril 1976 du chantier du RER du Forum des Halles, au coeur de Paris (AFP).
En pleine période des Trente Glorieuses, les pouvoirs publics décident enfin de s'attaquer aux liaisons banlieue-Paris, très largement délaissées jusqu'alors. La construction du Réseau express régional d'Île-de-France (RER) est officiellement lancée en 1965. Les travaux, pharaoniques, durent une dizaine d'années. Aujourd'hui, le RER compte cinq lignes, 257 arrêts et près de 600 km de voies.
Le point de vue de Michel Margairaz : «Le RER doit faciliter les déplacements périphérie-centre, effectués essentiellement pour des raisons professionnelles. Ces investissements sont financés par l'Etat, qui souhaite faire de Paris une métropole européenne de premier plan. A la même époque, le quartier de la Défense se développe. Le RER A doit y acheminer les salariés, qui habitent bien souvent à l'opposé, à l'est.
Ces travaux permettent un rattrapage du retard accumulé, mais les premiers phénomènes de surcharge apparaissent dès les années 80-90. Notamment parce que la mobilité devient de plus en plus importante : on ne se déplace plus seulement pour aller au travail, mais aussi pour les études, les loisirs etc. Il faut aussi noter qu'on a parfois réalisé des investissements à l'économie, comme sur le tronçon nord/sud.»
(1) Professeur d'histoire économique contemporaine à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, il est spécialiste des mobilités en région parisienne aux XIX-XXes siècles.
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