mardi 19 février 2013

Paris truqués : un marché à 14 milliards d'euros - Sport 24

Alerte générale sur le football, qui sert de machine à blanchiment aux organisations mafieuses.

Aux frontières du crime. Le démantèlement il y a quinze jours par Europol d'un vaste réseau de paris truqués - 680 matchs dans le viseur, 425 joueurs, arbitres et criminels impliqués - éclaire sur un fléau mondial menaçant l'intégrité des compétitions. Cette affaire révèle les vulnérabilités intrinsèques d'un sport ciblé par les organisations criminelles transnationales. «Truquer des matchs à des fins criminelles est devenu endémique à travers le monde. Nous ne détectons pas mieux les manipulations, il y en a seulement plus à détecter», lance avec fatalisme Chris Eaton, directeur du Centre international pour la sécurité du sport.

Avec 50 associations nationales touchées par des manipulations de matchs en 2012, la menace inquiète sérieusement les hautes instances du football, Fifa et UEFA en tête. Le développement à partir de 2007 de la possibilité de miser sur Internet en temps réel (Live Betting) et de formules attractives de paris (résultat exact, nombre de buts, nombre de cartons, nombre de penaltys, première touche, non-réalisation, etc.) a multiplié les risques de tripatouillages tout en aiguisant la cupidité et l'ingéniosité des corrupteurs.

«Les truqueurs influencent rarement le résultat. Pour ne pas se faire repérer, ils misent sur des équipes qui ont de fortes chances soit de gagner soit de perdre. Attirés par les grosses cotes, ils cherchent surtout à manipuler des paris spécifiques, comme ceux ayant trait au nombre minimal de buts», explique Christian Kalb, consultant dans le domaine des paris auprès du mouvement sportif. Avec un chiffre d'affaires estimé à 200 milliards d'euros annuels, le marché des paris sportifs attise les convoitises des grands réseaux mafieux internationaux. Pour y blanchir de l'argent à moindre coût et à moindre risque, les sanctions pénales encourues pour la fraude sportive étant nettement moins sévères. Mais aussi y truquer des matchs, histoire de maximiser ses profits. La Fifa évalue ainsi à 14 milliards d'euros par an les gains réalisés par le crime organisé sur les rencontres truquées.

Les polices n'ont pas les moyens d'agir au niveau international

En démantelant un réseau international mêlé à plusieurs affaires instruites par des parquets européens, notamment ceux de Bochum et de Crémone, l'enquête d'Europol a permis de mettre au jour ses modes opératoires. Des centaines de milliers d'écoutes téléphoniques et les aveux de Wilson Raj Perumal - relais en Europe de ce cartel opérant depuis l'Asie, il a été arrêté en Finlande en 2011 - ont permis de comprendre ses circuits de corruption. «Le centre névralgique est à Singapour. Des intermédiaires originaires des Balkans font ensuite transiter l'argent destiné à corrompre joueurs, officiels ou arbitres par des hommes de main en charge de ferrer les proies pour truquer des matchs dans plusieurs pays européens. Le réseau a mis aussi en place un circuit financier complexe se perdant en Amérique du Sud», explique Christian Kalb. Tête pensante de l'organisation, Dan Tan, un Singapourien de 48 ans, court toujours en dépit d'un mandat international contre sa personne.

Une preuve de la difficulté rencontrée par les autorités publiques, forces de police et procureurs en charge de ces affaires, pour faire aboutir les enquêtes et prononcer des condamnations. «Les truqueurs opèrent à un échelon global. Les polices nationales n'ont pas les moyens d'agir au niveau international», rappelle Chris Eaton, qui a travaillé auparavant pour Interpol et la Fifa. Afin de favoriser une meilleure coopération, le Conseil de l'Europe travaille à la rédaction d'une convention internationale sur la question. «Cet outil permettrait de jeter les bases d'une législation adaptée dans chaque pays», souligne Christian Kalb. Reste à savoir si les pays où l'emprise des mafias sur la société est prégnante (Europe de l'Est) et si les États abritant des sites de paris illégaux ou des paradis fiscaux seront enclins à ratifier le texte.

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