La crche Baby-Loup aura un alli de poids dans le procs qui l'oppose une ancienne salarie, licencie pour avoir refus d'ter son voile sur son lieu de travail. Le procureur gnral de Paris, Franois Falletti, demandera ce que l'employe soit dboute de ses poursuites. Il devrait lui-mme dfendre ses conclusions l'audience qui se tiendra devant la cour d'appel civile de Paris jeudi 17 octobre.
L'affaire de la crche associative Baby-Loup, ouverte jour et nuit dans un quartier populaire de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), est devenue emblmatique des tensions au sein de la socit franaise face aux revendications communautaires, notamment lies au port du voile. La loi l'interdit dans les administrations. Mais elle ne s'applique pas dans les structures prives, mme dans celles disposant d'aides publiques. Le dossier se situe donc au carrefour du droit du travail, de la libert religieuse et du principe de lacit, donnant lieu des dcisions de justice contradictoires.
Alors que le conseil des prud'hommes puis la cour d'appel de Versailles avaient tous deux donn raison aux responsables de la crche, et donc valid le licenciement, la chambre sociale de la Cour de cassation a pris le contrepied de ces dcisions en suivant les arguments de la plaignante contre son employeur. La Cour a estim en effet que son licenciement constituait" une discrimination en raison des convictions religieuses" et devait tre dclar "nul". Le ministre de l'Intrieur, Manuel Valls, s'en tait lui-mme mu l'Assemble nationale.
Une nouvelle manche se joue jeudi devant la cour d'appel de Paris. La position du ministre public, soumis l'autorit hirarchique de la chancellerie, tait trs attendue. Selon les 21 pages de conclusions transmises aux parties, que L'Express a pu consulter, lundi aprs-midi, le procureur gnral de Paris devrait rsister la position de la Cour de cassation. Le haut magistrat rappelle d'abord que cette affaire nat dans un contexte trs particulier, celui de l'accueil de jeunes enfants. "En offrant une possibilit de prise en charge d'enfant, libre de toute considration religieuse, l'association Baby loup s'intgre parfaitement dans un contexte de protection de la personnalit en formation des enfants qui lui taient confis et des respects de l'exercice de l'autorit parentale dans un environnement caractris par une trs grande diversit confessionnelle", estime Franois Falletti. De faon plus large, poursuit-il, "il apparat que la volont affiche de l'association Baby-Loup d'appliquer dans le cadre de ses activits le principe de neutralit religieuse correspond une proccupation actuelle largement rpandue dans la socit franaise. Elle rpond ainsi une attente forte des parents et des jeunes enfants confronts au dveloppement du communautarisme qu'ils n'entendent pas se voir impos au nom de leur propre libert de conscience". Pour le procureur gnral, l'atteinte la libert religieuse de l'employe n'est pas remise en cause par le rglement intrieur de Baby Loup.
Le dfenseur de la crche, Me Richard Malka, interrog par L'Express, se flicite de cette prise de position. "Toutes les portes avaient t fermes par la Cour de cassation. Le parquet gnral les a rouvertes. Nous sommes sensibles ce que le reprsentant de l'Etat dfende les fondements de la Rpublique et la lacit", ragit-il, estimant que la dcision de la cour d'appel "marquera une tape centrale dans l'histoire de la lacit en France". L'avocat de la plaignante n'a, pour l'heure, pas pu tre joint par L'Express.
L'arrt de la cour d'appel de Paris ne sera sans doute pas l'ultime tape. Chacune des parties peut en effet se pourvoir en cassation ce qui obligerait la plus haute juridiction franaise statuer en sance plnire, en prsence de tous ses membres, et non plus seulement dans sa formation de chambre sociale. L'enjeu de l'affaire Baby-Loup, devenue dbat national, le justifierait.
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