Après plus de cent jours d'attente et faute d'un dénouement rapide, les familles de deux journalistes français kidnappés en Syrie et le gouvernement ont décidé hier de rompre le silence qu'ils s'étaient imposé et de rendre publique la nouvelle de leur détention. Nicolas Hénin, un reporter de 37 ans, et Pierre Torrès, photographe de 29 ans, ont disparu le 22 juin à Raqqa (nord du pays) mais, précisent leurs proches dans un communiqué, leur enlèvement n'a pas été à ce jour revendiqué. Cela porte à quatre le nombre de journalistes français pris en otages en Syrie. Avant eux, Didier François, ancien grand reporter à Libération travaillant à présent pour Europe 1, et Edouard Elias, photographe indépendant, avaient été enlevés le 6 juin à proximité de la frontière turque. Selon les estimations de Libération, entre 20 et 25 Occidentaux sont actuellement retenus en otages en Syrie, certains enlèvements n'ayant pas été rendus publics.
«Preuve de vie». La plupart sont des journalistes, mais on compte aussi plusieurs humanitaires et un jésuite italien, le père Paolo Dall'Oglio, disparu fin juillet dans la région de Raqqa. Outre les quatre Français, on dénombre quatre Italiens, trois Espagnols, plusieurs Américains - dont Austin Tice et James Foley, disparus respectivement en août et novembre 2012 -, un nombre inconnu de Britanniques, plusieurs Allemands et un photographe polonais. Parmi les otages, on trouve aussi bien des néophytes que des reporters de guerre confirmés, comme Didier François, ou de fins connaisseurs du monde arabe, comme Nicolas Hénin, dont c'était le cinquième séjour en Syrie depuis le début du conflit, en 2011.
«Nous savons seulement que Nicolas et Pierre sont en vie», ont indiqué leurs proches, qui font état d'une «preuve de vie» communiquée en août par les autorités françaises. «Rien n'a été indiqué de leurs lieux et conditions de détention» et «il n'est pas certain qu'ils soient encore à Raqqa», ont-ils ajouté. Le silence des familles devait prendre fin samedi, parallèlement aux rencontres des correspondants de guerre de Bayeux. Mais Jean-Marc Ayrault a dévoilée la captivité des deux journalistes hier, prématurément semble-t-il, sur Europe 1. Le Premier ministre a aussi parlé de «preuves de vie» récentes de Didier François et Edouard Elias, les deux journalistes enlevés il y a quatre mois.
Les auteurs des enlèvements ne sont que rarement identifiés avec certitude. Il semble cependant que la plupart des otages soient entre les mains de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) - la branche irakienne d'Al-Qaeda. Celui-ci a non seulement enlevé des journalistes et des humanitaires, mais il en a aussi «récupéré» certains, déjà détenus par des groupes mafieux. Ce transfert a été effectué quand l'EILL a éliminé ces groupes de certaines régions du nord de la Syrie. Mais il n'y a pas que les bandes crapuleuses qui traquent les étrangers en Syrie. Les services secrets du régime sont aussi à la manœuvre et on ne peut exclure qu'ils manipulent certains groupes islamistes radicaux. L'Américain James Foley pourrait être tombé entre leurs mains. La prise d'otages est d'ailleurs devenue endémique en Syrie : le journaliste italien Domenico Quirico, libéré en septembre après cinq mois de captivité, a indiqué que ses ravisseurs étaient des membres de la brigade Al-Farouq, l'une des principales unités de l'Armée syrienne libre, considérée comme pro-occidentale. Dans son journal, la Stampa, il a décrit ses conditions de détention comme particulièrement inhumaines, comparant la Syrie au «pays du Mal».
Médiation. Fin juillet, le père Paolo Dall'Oglio, qui s'était engagé passionnément au service de la rébellion, s'était rendu clandestinement à Raqqa afin de mener une médiation entre l'EIIL et les forces kurdes syriennes, en conflit ouvert. Il souhaitait aussi, semble-t-il, obtenir la libération de plusieurs otages occidentaux ou syriens tombés aux mains de l'EIIL. On est sans nouvelles de lui depuis cette date.
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