lundi 30 septembre 2013

Etat de grâce à Monaco - Eurosport.com FR

29/09/2013 - 09:44

Quoi qu'il se passe ce soir à Reims, Monaco aura réussi son début de saison. Bien sûr, on peut imaginer que l'ASM subisse sa première défaite de la saison contre les Champenois. On peut imaginer qu'ensuite les ASMistes contestent l'arbitrage, affirment qu'ils n'ont pas une équipe taillée pour ces matches mais plus pour les grands soirs européens, et terminent en disant qu'ils sont les mal-aimés du football français. On peut l'imaginer. Ou pas. Vous avez du mal vous aussi ? Logique. Ce que montre Monaco depuis le début de la saison nous prépare plutôt à une réaction chevaleresque en cas de mauvais résultat.

Car, ce qui frappe en ce début d'automne, bientôt au quart du Championnat, c'est que si Monaco a réussi son entame, cela va très au-delà du bilan mathématique (aucune défaite, seulement 4 points abandonnés sur 21). L'ASM a associé à sa pharaonique ambition un élan de sympathie souterrain. C'est assez inattendu mais l'ASM passe entre les gouttes des clichés généralement associés aux projets qui débutent par un flot de cash débridé. Cette bienveillance générale n'a pas été volée. Elle est due à ce que l'ASM montre sur le terrain et en dehors. Sur le terrain : du football, du vrai, du bon, pas parfait, pas clinique, mais efficace. En dehors : une joie simple de faire ce métier et de mener à bien un projet sportif.

Ranieri, mais pas seulement

La synthèse de ces deux axes, son incarnation physique, c'est l'entraîneur Claudio Ranieri. L'Italien est en train de surprendre tout le monde avec la vitesse à laquelle il cimente un collectif de joueurs qui ne se connaissaient pas. Il est surtout en train de mettre tout le monde dans sa poche avec ses conférences de presse en passe de devenir cultes et cette attachante façon d'être, loin des paroles formatées de tous ses confrères. Il parle de tout, de foot, du bilan individuel de ses joueurs sans que cela soit pour lui une maladie honteuse, il a toujours un mot gentil mais juste pour l'adversaire, il concède aux journalistes qu'ils ont raison sur la gestion des temps de jeu, rigole et légitime l'expression "cashico", dans un français approximatif mais généreux. Il prend un plaisir fou à diriger cette équipe et il le partage. Il sourit, tout le temps.

Ranieri plaît probablement aussi car il n'a pris la place de personne. Il se succède à lui-même après avoir assumé le passage du club en L2. Comme tous les coaches, ses résultats et le jeu produit parlent pour lui. Mais il a ce truc en plus : quand il ouvre la bouche pour faire le service après-vente, Ranieri est le meilleur des VRP. Vous trouverez peu d'entraîneurs qui, comme lui, après une victoire donnant à son équipe le monopole de la première place du Championnat, auront pour commentaire principal ce plaisir simple : "C'était un bon match de football".

Le club qui ramène les joueurs français en France

Mais Ranieri n'est pas l'unique source de l'auréole actuelle du club princier. Je relève cinq phénomènes qui, chacun à leur façon, nourrissent l'attachement général :

- L'ASM n'est pas l'équipe la plus offensive ni la plus dangereuse de L1. Le PSG la domine encore au titre du nombre de tirs et de tirs cadrés. Mais elle est l'équipe qui prend le plus de risques. Cela se matérialise au classement des dribbles et à l'activité de ses latéraux. Et ça plaît. Cela détonne tellement avec l'ordinaire de la L1...

- L'ASM possède dans son onze-type à peu près tout ce que le grand public et les médias aiment voir : des stars (et quelle star : le meilleur N°9 du monde avec Falcao), un vrai meneur de jeu de très haut niveau (Moutinho), des joueurs de devoir habités par l'intérêt général (Toulalan), des aînés responsables et exemplaires (avec Abidal et son itinéraire exceptionnel en tête de gondole), des nouveaux venus pétillants (qui connaissait Kurzawa et Fabinho?), de la vitesse (Rivière)... Le casting est presque parfait.

- On n'en a pas trop parlé, mais pour un projet aussi international, Monaco est une équipe qui importe des bons joueurs français, ce qui fait de l'ASM un cas unique au pays des saignées régulières : Abidal, Toulalan, Kondogbia sont revenus en L1 grâce à Monaco. Sans la décision de Toulalan de tourner le dos aux Bleus, les trois auraient pu être des titulaires dans l'équipe de France de ce début de saison.

- L'ASM ne surjoue pas la discrétion décrétée autour de son milliardaire de propriétaire, Dmitri Rybolovev, qui aurait pu susciter un sentiment de paranoïa. Le directeur sportif Vladim Vasyliev, inconnu au bataillon jusqu'à sa nomination, a accordé quelques interviews sans jamais se mettre en avant, ni commettre de faute de goût dans ses déclarations, même sur le sujet si épineux des avantages fiscaux.

- La FFF et la LFP ont d'ailleurs peut-être beaucoup fait ce printemps pour bonifier l'image de Monaco, quand a été rendu publique ce que nous avions appelé le proposition "Pactole contre statu quo". Un marchandage qui mettait en balance la suspension de l'obligation réglementaire faite à l'ASM de déménager en France et donc de payer des impôts plein pot, et le versement d'une obole de 200 millions à répartir entre toutes les autres équipes. Comment passer du statut de nanti à celui de victime d'un chantage.

Qu'on ne vienne pas m'opposer que l'absence de pression populaire ou médiatique soit à l'origine de cet état de grâce. Il est évident qu'elle nourrit une sérénité générale qui aidera Monaco à traverser les tempêtes plus facilement que le PSG ou l'OM. Mais elle n'explique pas ce qui se passe actuellement. Même dans ses grandes années, même avec de magnifiques équipes de football, Monaco n'en avait jamais bénéficié. On déplorait ses rapports trop voyants avec le Palais, l'omniprésence de Jean-Louis Campora dans les instances, la tendance d'Arsène Wenger à contester la probité de l'OM, puis ensuite l'instabilité du pouvoir (qui se souvient que l'improbable Pierre Svara était le président de la finale de Ligue des champions en 2004?)... Même au moment du triomphe de "l'équipe parfaite" (1) de Claude Puel en 2000, Jean-Michel Aulas et quelques autres ne parlaient que d'inéquité fiscale. Ne doutons pas, cependant, que le sujet resurgira en temps voulu. Le propre de l'état de grâce est de ne jamais durer trop longtemps.

L'ASM a cependant encore un peu de temps pour savourer ce qui lui arrive et s'inspirer de tout ce qui fonctionne en ce moment. Le club est leader du Championnat. Son football plaît. Pendant ce temps, instances et présidents préfèrent s'écharper sur la L1 à 18 clubs et la répartition des droits télé. Dans ce combat, l'AS Monaco est une valeur sûre, recherchée pour sa capacité à attirer les stars et à valoriser ces droits à l'étranger. Un partenaire à choyer qui, en plus, va sûrement redonner un peu de vitalité au coefficient UEFA l'an prochain. L'état de grâce, on vous dit.

Cédric ROUQUETTE
Twitter : @CedricRouquette

(1) "L'équipe parfaite" est un titre d'article de France Football pour qualifier l'équipe championne de France en 2000, dont l'équipe-type était Barthez - Sagnol, Rafael Marquez, Christanval, Riise - Da Costa, Lamouchi - Giuly, Gallardo - Simone, Trezeguet.

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