samedi 14 septembre 2013

La drogue, le marin, et les porosités entre Marseille et la Corse - Libération

C'est une saisie de drogue qui paraît anodine — environ un kilo de cocaïne et du produit de coupage ainsi que de l'argent et une dizaine d'armes. Mais elle raconte assez bien les porosités entre Marseille et la Corse, via leurs ports. Depuis jeudi, 18 personnes ont été arrêtés sur l'île et le continent dans le cadre d'un trafic de drogue, et peut-être d'armes. 80 000 euros ont été trouvés, ainsi que des armes de poing et des fusils à lunette. Cela faisait deux ans que la police judiciaire et les Groupes d'intervention régionaux de Corse et de Marseille étaient sur cette enquête, menée sous l'égide de la Juridiction inter-régionale spécialisée de Marseille. Ils surveillaient notamment un trafiquant d'origine corse qui a longtemps sévi à Marseille mais s'était réinstallé pour vivre et travailler au pays. En fin de matinée jeudi, cet homme, âgé de 35 ans, reçoit une livraison de coke. Un kilo, convoyé par un marin de la SNCM, par ailleurs secrétaire général adjoint de la CFTC.

Le lien physique entre l'île et le continent est un enjeu primordial pour les délinquants corses, qui ont besoin d'une relative perméabilité pour échapper aux contrôles. Longtemps, la sécurité des ports, comme celle des aéroports de l'île, a été assurée par la SMS, société montée par d'ex-nationalistes reconvertis dans la voyoucratie. Ils se sont depuis entredéchirés. Sur les ports, les autorités tentent de mettre de l'ordre, notamment à Marseille où elles essaient de limiter les vols de marchandise, tout en filtrant un peu mieux ce qui circule vers ou depuis la Corse. «Le plus simple, confie une source proche de l'enquête, reste de confier ce qui doit passer à un marin, lui évitera les contrôle.»

Troisième saisie

Sauf que cette fois, les enquêteurs étaient à l'affût. Ils ont laissé la transaction se dérouler, le marin de 49 ans, venu de Marseille via Bastia, est reparti avec l'argent, tous deux se sont un peu éloignés. Et ont alors été interpellés. Dans la foulée, des arrestations et perquisitions ont été menées simultanément chez neuf autres personnes qui étaient apparus durant l'enquête. «Toutes sont proches des milieux marseillais et corse, et pour une partie d'entre elles des connaissances d'Ange-Toussaint Federicci ou de Jacques Mariani», confie la même source.

Il s'agit de la troisième saisie de cocaïne de cette quantité en Corse depuis le début de l'année. Les deux précédentes avaient été menées par la douane et déjà la PJ. En remontant plus loin, on trouve rarement plus de 1 ou 1,5 kg de cocaïne. Sur l'île, on consomme un peu plus de stupéfiants durant la période estivale et une partie de la jeunesse corse consomme plus qu'avant dans les soirées. Mais cela reste un très petit marché en raison du faible nombre d'habitants, et d'une culture encore relativement hostile à la drogue. Il faudrait par ailleurs être imbécile pour faire du transit sur une île, qui du coup se trouve relativement éloignée de ces trafics-là – ce qui n'empêche pas certains de ses habitants de les faire prospérer depuis longtemps un peu partout dans le monde.

Les onze hommes arrêtés ont été placés en garde à vue. Dans le cadre d'une affaire de criminalité organisée, elle peut durer jusqu'à quatre jours.

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