vendredi 26 octobre 2012

La cour d'appel de Paris condamne Jérôme Kerviel et sa défense ... - Le Monde

Jrme Kerviel et son avocat David Koubbi  Paris, mercredi 24 octobre 2012.
Jérôme Kerviel et son avocat David Koubbi à Paris, mercredi 24 octobre 2012. | AFP/KENZO TRIBOUILLARD

Trois petites minutes ont suffi la prsidente Mireille Filippini, mercredi 24 octobre, pour annoncer qu'en tous points, la cour d'appel de Paris confirmait le jugement rendu en premire instance contre Jrme Kerviel : une condamnation pnale cinq ans d'emprisonnement, dont trois ans ferme, contre l'ancien trader de la Socit gnrale reconnu coupable d'abus de confiance, d'introduction frauduleuse de donnes informatiques, de faux et usage de faux.

Le Monde.fr a le plaisir de vous offrir la lecture de cet article habituellement rserv aux abonns du Monde.fr. Profitez de tous les articles rservs du Monde.fr en vous abonnant partir de 1 / mois | Dcouvrez l'dition abonns

Voir Les temps forts du procs en appel de Jrme Kerviel (abonns)

Une condamnation civile rembourser l'intgralit du prjudice subi par la banque, soit 4 915 610 154 euros. Et une interdiction dfinitive d'exercer des activits d'oprateur de march ou relative aux marchs financiers. Scheresse dans la forme et camouflet sur le fond, on ne saurait mieux dire Jrme Kerviel que sa stratgie de dfense en appel a chou.

Aux fanfaronnades de son avocat, MeDavid Koubbi, la cour a oppos la rigueur du droit et le poids du dossier instruit par le juge Renaud Van Ruymbeke.

"VICTIME D'UNE MACHINATION"

"Au dpart, souligne l'arrt, Jrme Kerviel a reconnu que la banque ne savait rien de ses positions, puis il a laiss entendre qu'elle ne pouvait ignorer, mettant en cause [ses suprieurs hirarchiques immdiats] - puis ensuite que ceux-ci savaient et l'ont laiss faire, pour enfin affirmer pour la premire fois devant la cour que toute la hirarchie de la banque au plus haut niveau et les services de contrle savaient et qu'en dfinitive, il avait t victime d'une machination qui avait pour but d'occulter les pertes occasionnes par la crise des subprimes et de les lui faire supporter."

Comme le tribunal, la cour considre que l'accusation selon laquelle la Socit gnrale savait et aurait laiss faire est "totalement inconcevable, la banque ne pouvant laisser un de ses salaris l'engager hauteur de 30 milliards, reprsentant la totalit de ses fonds propres".

Elle relve au contraire que Jrme Kerviel s'est employ "avec obstination et persistance" masquer ses pertes comme ses gains auprs de sa hirarchie et qu'il a fait preuve "d'une ingniosit confinant au machiavlisme pour manipuler l'ensemble de ses interlocuteurs". Autant d'lments qui, selon la cour, constituent le principal dlit reproch l'ex-trader, l'abus de confiance.

Pour les deux autres dlits, l'introduction frauduleuse de donnes informatiques et le faux et usage de faux, la cour s'appuie sur les aveux mme de Jrme Kerviel qui a reconnu avoir saisi des oprations fictives et avoir rdig des mails avec de faux en-tte, notamment de la Bundesbank et de JPMorgan, afin de rpondre aux interrogations des organes de contrle de la banque sur certaines de ses oprations.

"TMOIN MYSTRE"

Mais les mots les plus svres de l'arrt visent la stratgie de dfense soutenue en appel par l'avocat de l'ancien trader. La cour souligne que l'argument selon lequel l'affaire Kerviel aurait servi "renommer" des pertes subies par la crise des subprimes - ce que Me Koubbi appelait le "dgazage" de la Socit gnrale - est "totalement fantaisiste".

Elle carte le tmoignage du fameux "tmoin mystre", Philippe Houb, annonc aux marches du palais grands renforts de publicit par Me Koubbi comme tant celui qui allait renverser le procs, en observant que la note remise la cour "n'est pas pertinente, car construite partir de documents parcellaires".

Quant aux autres documents produits par la dfense, la cour constate qu'ils "consistent en articles de presse trouvs sur Internet, commentaires ou dclarations anonymes, articles tirs du site Wikipdia, documents faisant tat de rumeur, de sentiments, d'opinion non tays".

Tout cela n'a pas incit les trois magistrats de la cour d'appel faire preuve d'inventivit concernant le montant du prjudice rclam par la Socit gnrale. Plus que la peine d'emprisonnement ferme laquelle il avait t condamn en premire instance, ce sont ces 4,9 milliards de dommages et intrts qui provoquent l'incomprhension de l'opinion publique.

PRJUDICE EXORBITANT

Dans son rquisitoire prononc mercredi 27 juin, l'avocat gnral Dominique Gaillardot avait d'ailleurs dclar "comprendre qu'un tel montant puisse susciter l'motion" avant de rappeler que face une faute intentionnelle, il ne peut y avoir de partage de responsabilit entre l'auteur de cette faute et sa victime, quand bien mme celle-ci a fait preuve de dfaillance - en l'occurrence un dfaut de contrle qui a valu la Socit gnrale d'tre sanctionne par la Commission bancaire. "Peut-tre qu'un jour cette jurisprudence devra voluer", avait prudemment observ l'avocat gnral.

La cour n'a pas saisi l'occasion qui lui tait donne et s'est conforme la stricte application de la loi, laissant aux avocats de la Socit gnrale le soin d'expliquer que la banque n'entend pas rclamer Jrme Kerviel le montant de ce prjudice exorbitant mais qu'ils se rservent le droit de saisir tous les revenus - livre ou film - que l'ancien trader pourrait tirer de l'exploitation de cette affaire.

Quelques heures aprs sa condamnation, Jrme Kerviel a annonc qu'il dposaitun pourvoi en cassation dont l'effet immdiat est de suspendre l'excution de sa peine d'emprisonnement. Quant son avocat, il n'a pas tout perdu. Sa notorit vaut Me David Koubbi d'avoir t choisi pour commenter l'actualit du monde dans une mission de radio.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire