Une nouvelle rvolution se profile pour la Bourse de Paris. Le rachat de la Bourse transatlantique NYSE-Euronext par la plate-forme amricaine Intercontinental Exchange (ICE), annonc, jeudi 20 dcembre, pour 8,2 milliards de dollars (6,2 milliards d'euros), relance la grande bataille entre oprateurs boursiers. Surtout, elle modifie singulirement le destin de la place de Paris, promise une cession prochaine, tout comme celles d'Amsterdam, de Bruxelles et de Lisbonne.
Le rachat de NYSE-Euronext, prvu au second semestre 2013, permet au spcialiste amricain des contrats terme ICE de mettre la main sur la vieille dame du secteur, le march actions de New York, et sur les places d'Europe continentale. Mais, ce qui intresse surtout ICE, c'est le Liffe londonien, filiale de NYSE-Euronext et numro trois mondial des drivs, ces produits permettant de parier la hausse ou la baisse sur les indices, les taux d'intrts ou les matires premires.
Il s'agit l d'une industrie en forte croissance qui profite plein de la tendance dplacer sur des plates-formes centralises les transactions jusqu'ici opres de gr gr. Et elle est particulirement rentable : la marge oprationnelle du Liffe a atteint 45 % sur les neuf premiers mois de 2012. C'est deux fois et demi celle de l'ensemble NYSE-Euronext. Loin, trs loin de la rentabilit des marchs actions.
LE DSENGAGEMENT POURRAIT INTERVENIR "SOUS 18 24 MOIS"
Il faut dire que, touches de plein fouet par la concurrence des plates-formes alternatives depuis la drgulation du secteur en 2007 et fragilises par la baisse des volumes d'changes, les Bourses traditionnelles peinent tirer leur pingle du jeu.
Onze mois aprs un rapprochement avort entre NYSE-Euronext et l'allemand Deutsche Brse, retoqu par Bruxelles pour des questions de concurrence, l'opration ICE-NYSE fait globalement sens.
Mais, dans ce nouvel ensemble, les marchs actions europens font figure d'intrus pour ICE. D'o la dcision de s'en sparer : "ICE compte tudier les possibilits d'une introduction en Bourse d'Euronext ", a indiqu le groupe. Ce dsengagement pourrait intervenir "sous 18 24 mois", si les "conditions de march y sont favorables". Et pas question de garder la moindre participation.
"Il est ncessaire de rapprocher les marchs actions de l'conomie relle. La tendance est la rgionalisation", a justifi Dominique Cerutti, directeur gnral adjoint de NYSE-Euronext, tout en soulignant qu'"Euronext est une entit viable et attractive".
L'argumentaire peine convaincre. "Au moment du rapprochement entre NYSE et Euronext, en 2007, on ne s'est gure proccup de la proximit avec les centres de dcisions", tacle un bon connaisseur du secteur. "L'opration confirme la marginalisation des Bourses d'actions europennes, dont Paris, en position de faiblesse depuis la prise de contrle d'Euronext par le NYSE", jugent Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, auteurs d'Histoire de la Bourse (La Dcouverte).
UN MAL POUR UN BIEN
Tout cela ramne les marchs europens l'aube des annes 2000, avant les grandes manuvres entreprises par le patron d'Euronext de l'poque, Jean-Franois Thodore, et architecte de la fusion avec NYSE. "On ne peut que regretter le veto de Bruxelles sur le projet de rapprochement entre NYSE-Euronext et Deutsche Brse, qui aurait permis de renforcer le ple europen", dplore Arnaud de Bresson, dlgu gnral de Paris Europlace, le lobby du march parisien. A Bercy, on dit d'ailleurs "regarder de prs le dtail de l'offre".
Le "lchage" par ICE des Bourses europennes pourrait toutefois constituer un mal pour un bien. "Cette opration met la place de Paris face ses responsabilits stratgiques : c'est une opportunit pour les grands investisseurs institutionnels de remettre la main sur les Bourses continentales", indique Thierry Giami, prsident de l'Observatoire du financement des entreprises par le march.
Reste que c'est un front uni complexe qu'il s'agirait de mettre en place, comme le montrent les discussions dj tendues, Paris, pour dessiner les contours d'une Bourse des PME.
L'autre possibilit est celle d'un rachat par un autre acteur du secteur, commencer par Deutsche Brse. De quoi effacer les rcents errements de la stratgie boursire europenne ? "Ce pourrait tre l'opportunit de crer dans la zone euro une combinaison de Francfort, Paris voire d'autres places", explique Georges Ugeux, prsident de la banque d'affaires Galileo Global Advisors et ancien cadre dirigeant de NYSE.
Le London Stock Exchange, qui dtient la Bourse de Milan et a toujours gard un il sur la situation europenne, pourrait aussi entrer dans la danse. De mme que l'amricain Nasdaq OMX, dj prsent en Europe du Nord.
Reste savoir si, l'heure des marchs mondialiss et des transactions la milliseconde, le sort de la place de Paris peut encore mouvoir dirigeants et investisseurs. Comme le souligne un grand grant parisien : "Au fond, le plus important c'est qu'il y ait des places de march efficaces et liquides. L'informatique n'a pas beaucoup de sentiment national."
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