mercredi 26 décembre 2012

Il est minuit, Paris s'éveille - Le Monde

Barbara, la divine.

Paris a t magique bien avant que les Qataris ne s'intressent au club de football de la capitale. C'tait dans les annes 1950, aprs la guerre donc, sur la rive gauche de la Seine qui regorgeait de petits cabarets, vritables viviers de talents. L'Ecluse, La Rose rouge, Le Mephisto, L'Echelle de Jacob ou Milord l'arsouille ont vu clore, comme de petits coquelicots, la fine fleur de la chanson franaise. Inconnus l'poque, ils s'appelaient Georges Brassens, Jacques Brel, Lo Ferr, Juliette Grco, Boris Vian, les Frres Jacques, Francis Lemarque, Henri Gougaud, Cora Vaucaire, Serge Lama, Charles Aznavour, Mouloudji, Catherine Sauvage, sans oublier Serge Gainsbourg, Raymond Devos, Anne Sylvestre et, bien sr, Barbara. Certains ont russi percer, d'autres pas. "Il fallait s'accrocher", reconnaissent-ils. A l'exemple d'Aznavour, surnomm "Has no voice" et que personne ne voulait engager, mme l'espace d'un soir !

Courant d'un cabaret l'autre en une soire, ils tentaient en quelques chansons d'accrocher leur (maigre) public. L se croisaient Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Charlie Chaplin, Yves Montand, Jacques Prvert ou Franois Mitterrand... "C'tait un moment magique avec une libert extraordinaire" confie Juliette Grco, dans le remarquable documentaire d'Yves Jeuland qui retrace un quart de sicle de nuits prodigieuses dans les caves du Quartier latin.

UNE POQUE UNIQUE

A la sortie de la guerre et des privations, "l'esprit anar" et l'insouciance du lendemain avaient pris le pouvoir dans cette rive gauche, la bien nomme. Francesca Solleville y chantait sans problme Le Condamn mort, de Jean Gent. "Aller chanter sur la rive droite, c'tait comme se vendre aux Allemands !" dit en souriant Jean Rochefort, qui a vcu intensment cette poque. Car la diffrence des caves du Quartier latin, les cabarets de la rive droite taient alors frquents par de riches Parisiens qui venaient y dner et n'hsitaient pas demander l'artiste de chanter moins fort... "Pourtant, moi le premier, tout le monde rvait d'aller chanter l'Olympia", confie Serge Lama.

A travers son documentaire, Yves Jeuland raconte avec empathie une poque unique qui prit fin avec l'irruption du rock, puis l'arrive du y-y. "On passait de l'art au commerce", ironisait alors Gainsbourg qui, malin et intuitif, travailla rapidement avec cette nouvelle vague de chanteurs, au point d'en devenir la rfrence.

Aujourd'hui, la plupart des chanteurs "rive gauche" sont encore connus, leurs chansons font partie du patrimoine culturel. On frissonne toujours autant en entendant ces "trois petites notes de musique qui vous font la nique du fond des souvenirs...".

Yves Jeuland (France, 2012, 90 minutes).

Diffusion le mardi 25 dcembre sur ARTE 20h55

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire