Parfois l'Histoire repasse les plats. Depuis hier, la place de Paris peut le vérifier. Cinq ans après avoir laissé la Bourse de Paris et ses alliés européens convoler avec l'américain Nyse pour échapper à l'étreinte de Deutsche Börse, elle s'apprête à voir Euronext voler à nouveau de ses propres ailes. Si l'offre d'ICE sur Nyse Euronext aboutit - et pour une fois dans un secteur fertile en fusion avortée, ce projet a de bonnes chances d'aller jusqu'au bout -, Paris pourrait en effet reprendre en main le destin de son marché boursier. Une chance inespérée pour une place en perte de vitesse. Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Car le futur Euronext redevenu indépendant est bien moins fringant que celui de 2007. La crise financière et la directive européenne MIF, qui a fait exploser le monopole des Bourses historiques, sont passées par là. Résultat, ses marges et ses volumes sont sous pression. Surtout, le nouvel Euronext sera délesté de son moteur de croissance, le Liffe. Sa pépite spécialiste des produits dérivés est en effet la principale motivation de l'offre de l'ICE sur la Bourse franco-américaine. Dans ces conditions, les perspectives de développement d'Euronext ressemblent à première vue à celles de la corbeille au moment où les transactions électroniques ont fait leur apparition. Pas vraiment le profil d'un investissement d'avenir. Et pourtant, banquiers et grands groupes français auraient tort de ne pas s'intéresser à son sort. D'abord, parce que, en dépit de tous ces handicaps, un marché boursier reste un attribut de base d'une place financière digne de c e nom. Ce n'est pas un hasard, si la City s'intéresse toujours de très près au devenir du LSE, la Bourse de Londres. Ensuite, parce que c'est leur intérêt même. Pour se financer, les entreprises vont en effet se tourner davantage vers les marchés financiers. Et elles seront invitées par les autorités à le faire en priorité sur des places boursières organisées et transparentes. En clair, les Bourses ont mangé leur pain noir. Etre en mesure d'influer sur leurs choix pourrait donc bien redevenir clef. Toute la question est de savoir si cet Euronext-là aura la taille critique. S'il pourra vivre seul durablement. La même question qu'en 2006 au fond. Et sans doute la même réponse… On peut rêver à un Euronext pôle de consolidation, mais la logique voudrait que l'on se tourne vers Francfort pour se donner une chance de constituer enfin ce grand marché financier de la zone euro que tout le monde appelle de ses voeux. Il faudrait pour cela que des concessions soient faites des deux côtés du Rhin. Et, dans ce domaine aussi, l'Histoire pourrait bien bégayer.
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