Coopération : «On navigue à vue à Paris et à Alger»
19 décembre 2012 - Réagir à cet article
Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères d'Algérie, ancien ambassadeur d'Algérie en France porte un regard d'expert sur les relations entre les deux pays.
Qu'attendent l'Algérie et le président Bouteflika de la France et du voyage de François Hollande?
Quand on parle de l'Algérie, on a raison de distinguer la population et le pouvoir. D'autant que les plus médiatiques sont ceux qui parasitent la relation franco-algérienne, qu'il s'agisse des anti-Algérie en France ou de l'anti-France en Algérie. La population algérienne a toujours souhaité des relations fortes avec la France, à commencer par ceux qui ont combattu le colonialisme. Et c'est vrai depuis l'indépendance. Quant au pouvoir algérien, il n'a aucune vision stratégique sur les relations à long terme avec la France. Malheureusement, ce constat est symétrique, à savoir qu'on navigue à vue tant à Paris qu'à Alger. Les deux capitales n'ont jamais proposé un support concret de coopération qui profite aux deux populations. Or, il s'agit là de la seule garantie d'une entente pérenne entre les deux pays.
Le Printemps arabe a épargné l'Algérie. Est-ce le résultat de la politique et de la gouvernance du président Bouteflika?
Si le Printemps arabe est compris comme un soulèvement populaire à caractère politique, il a déjà eu lieu en octobre1988, lors de l'extrême tension sociale qui a occasionné plusieurs centaines de morts. A l'époque, l'Algérie était exsangue économiquement, le taux d'endettement était de 70%, le pouvoir a alors lâché du lest en engageant les réformes politiques au sein d'une Constitution pluraliste. Aujourd'hui, l'explosion du Printemps arabe n'a pas touché l'Algérie, sinon qu'il y a eu de nombreuses émeutes qui n'exprimaient aucune revendication à caractère politique. Le pouvoir actuel a acheté la paix sociale en répondant au cas par cas à ces émeutes par une distribution effrénée des ressources publiques. Quant à la bonne gouvernance de M.Bouteflika, on s'aperçoit que l'Algérie, 50ans après l'indépendance, court toujours après l'État de droit.
Pourquoi l'Algérie manifeste des réticences à une intervention au nord Mali?
Je ne suis pas particulièrement informé sur le sujet, pas plus que la population algérienne dans son ensemble. Comme vous le savez, il y a chez nous une opacité du pouvoir officiel sur la politique internationale, notamment à propos de ce qui se passe dans un pays immédiatement voisin comme le Mali. L'absence de politique d'aménagement du territoire, qui vient de conduire à la désintégration du Mali, constitue une menace très sérieuse pour l'intégrité territoriale en Algérie. On peut rappeler que l'Algérie a 5.000 km de frontières à protéger avec des pays qui, à l'instar du Mali, sont exposés à des désordres de toutes sortes. Par conséquent, l'Algérie doit commencer par mettre de l'ordre à l'intérieur de ses propres frontières. Ce qui aura comme répercussion de soulager les Maliens des nuisances terroristes qui peuvent provenir de chez nous.
- Propos recueillis par Émile Malet
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