Paris, le 23 janvier
Sans plus attendre, ma bonne, il faut que je vous conte une radoterie que je ne puis viter. Ainsi que vous le savez, le comte de Paris, Bertrand de la No, se prend renoncer sa seigneurie des fins se consacrer d'autres tches. La rumeur lui prtait le dessein de devenir ministre, mais le roi Franois le Flou, tout entich qu'il ft alors de privilgier les femmes lors de la composition de son cabinet, ne retint pas son offre. Le comte de Paris, disait-on alors la Cour, du d'avoir perdu au jeu des chaises musicales, en conut grande amertume. Au point mme de sombrer dans profonde bouderie.
Comme le veut l'usage, son renconcement suscite, vous ne manquerez pas de le croire, les apptits les plus froces. Le comte voudrait que la baronne Hidalgo, une belle brune aux yeux de braise, prenne sa succession: mais le parti de l'ancien roi Nicolas le Bref ne l'entend pas de cette oreille. La ville est un enjeu prestigieux: se rappelle-t-on d'ailleurs que le roi Jacques le Hardi commena sa marche sur la couronne par tre comte de Paris, au grand dsespoir du roi d'alors, Valry le Hautain, qui considra longtemps qu'il avait couv vipre en son sein. Une fois mont sur le trne, le Hardi fut contraint d'abandonner sa charge et c'est alors que les querelles intestines ruinrent pour de bon les espoirs de la Ligue de la Croix de Lorraine de conserver le comt de Paris. Il arriva donc ce qui devait arriver: le parti des Sans-Culottes parvint ses fins et s'empara dudit comt: c'est donc ainsi que Bertrand de la No hrita de cette prestigieuse couronne.
Couronne lisez-vous? Eh bien oui! Sachez ma mie que la ville vaut presque royaume tant les privilges sont grands, nourris qu'ils sont par des impts abondants, verss par un peuple de bourgeois fortuns, tout leur aise de voir la populace relgue dans les bourgs voisins o les taxes et fermages sont nettement moins lourds.
Vous qui avez la chance de vivre sous le doux climat de Provence, savez vous comment l'on surnomme ces bourgeois? Votre langue au chien? Des "bobos", une sorte d'acronyme, m'a-t-on enseign, pour dsigner leur qualit de bourgeois-bohmiens. Les savants de la Cour ainsi que les mages conseillers du roi estiment qu'ils sont mme de sacrer le prochain comte ou la prochaine comtesse, tant leur influence est grande.
Les fidles de l'ancien roi Nicolas le Bref, qui n'ont jamais digr leur chec reconqurir ce prestigieux comt, comptent bien cette fois prendre leur revanche, forts qu'ils sont de la dception engendre par les vicissitudes du royaume. Mais voil! Ils se dchirent entre eux comme chiens enrags! L'ancien Grand chambellan du Bref, Franois de Fillon, voue prsent une haine sans merci au vidame Cop de Meaux qui a ourdi contre lui un complot des plus sombres des fins de confisquer son seul profit le parti des fidles du Bref, aujourd'hui dchir par cette querelle fratricide. Nul ne sait donc si Franois de Fillon voudra mener la bataille pour le comt de Paris, au risque de la perdre et donc de ne pouvoir se dclarer pour le royaume quand viendra l'heure pour le Flou de reconqurir la faveur de ses sujets.
Je sens la migraine vous gagne: quoi peut donc servir une si grande narration? Vraiment, j'ai bien content le dsir que j'avais de conter. Mais il me faut encore vous parler d'une nouvelle hrone dont on assure qu'elle pourrait jouer grand rle dans cette bataille. Il s'agit de la marquise Nathalie de Longjumeau, une femme fort gracieuse aux cheveux d'un roux fonc qu'elle adorne d'une savante tresse: son teint de porcelaine lui confre une certaine majest qui lui vaut dj les faveurs d'une Cour toujours prte chavirer en pamoison. Il se dit donc que la marquise Nathalie serait prte livrer bataille si Franois de Fillon venait renoncer pour mieux se consacrer la conqute du trne.
Nous dinmes hier chez un influent conseiller du Flou qui nous confessa lors de l'aprs-dne que le roi suivait l'affaire avec beaucoup d'attention, au risque d'en oublier parfois sa guerre dont il se dit qu'il commence se lasser et qu'il lui sirait que les bdouins sditieux fussent rapidement dfaits.
Le roi, nous glissa ce courtisan aguerri par tant d'annes de vie de Cour, pense que la marquise de Longjumeau est un adversaire redoutable et que la baronne Hidalgo, qui a ses faveurs, serait avise de craindre que la marquise ne lui soufflt la victoire. Mais, toujours selon ce courtisan si sagace, le Flou ne sombre gure dans l'inquitude: la marquise Nathalie doit encore affronter bien des rivaux, et surtout une rivale, la petite baronne Dati, jadis proche du Bref, dont la dtermination semble comme d'airain. Le roi ne s'inquite donc gure ; n'a-t-il pas coutume de plaisanter quand l'on voque devant lui les dboires des fidles de l'ancien parti du Bref? On rapporte la Cour ce mot qu'il aurait eu: "Au fond, je me demande s'ils ne sont pas mes meilleurs amis et mes meilleurs allis: ils oeuvrent pour moi de bien meilleure faon que ceux qui prtendent me servir ".
Par Herv Karleskind, pote en herbe, pour le club Pol Story
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